Cycle électro-vocal
À partir de 15 ans
Musique : Raoul Lay
Texte : Percy B. Shelley (1792 -1822) , The World's Wanderers
Création 2015 au Festival Détours de Babel I Coproduction Ensemble Télémaque, Détours de Babel
La poésie de Shelley est pleine de regrets ; elle évoque – comme chez beaucoup d'autres auteurs – le temps qui passe, les hivers qui succèdent aux étés et l'impossibilité de figer l'instant. Mais à y regarder de près je la trouve d'une urgence et d'une sauvagerie inédites, d'une puissance suggestive toute particulière qui stimule nos sens et vrille nos coeurs d'un même flux. Au fond, comme le fait entendre « mutability » qui clôt le cycle, c'est la mouvance même du monde, sa capacité à se transformer qui fascine le poète et non la nostalgie d'un moment ou d'une époque. Pour musicaliser les pensées intérieures de Shelley, leurs entrelacs, contradictions, frictions et frénésies, j'ai choisi trois voix de femme(s) : une actrice au timbre grave de tragédienne, une chanteuse de Jazz-rock anglosaxon piquante et mélancolique, une soprano lyrique habituée aux hérissements des partitions contemporaines. Côté jardin, elles seront en compagnie d'un percussionniste-batteur qui passera du vibraphone aux peaux et aux cymbales, tout à la fois accompagnateur polyphonique et rythmicien incantatoire. Côté cour leur espace sera délimité par un performer son, inventeur d'espaces escarpés que n'aurait pas désavoués Shelley dans sa soif d'aventures et de lendemains magiques.
Pourquoi ? Il y a deux ou trois saisons que je sillonne « the World’s wanderers » en y posant, çà et là, de petites pierres musicales destinées à éclairer mon chemin. Percy Bysshe Shelley – à la même époque que Franz Schubert de l’autre côté du Rhin – a vécu dans l’errance, en bohémien hédoniste de l’âme et du coeur. Positionné hors de la société, condamné pour ses rêves, ses idéaux, ses pensées politiques, il a absorbé le tourbillon de son temps. Poète parmi les plus lumineux, rebelle, énergique, voyageur mais prompt au spleen avant la lettre, il incarne la version anglaise et littéraire de la génération musicale romantique des origines ; celle qui, de Vienne à Salzbourg, pouvait écrire d’un seul jet des lieder déchirants, des quatuors à cordes jugés dissonants et des opéras presque jamais joués. On pourrait parler, par un anachronisme savoureux, d’une Roc k-génération de prodiges, dévorant la vie par les deux bouts, conjuguant présence au monde et intériorité, pratiquant leur art du matin au soir sans faire de vieux os (Schubert est mort à 31 ans, Shelley à 30). Alors pour moi, aujourd’hui, impossible d’écrire de simples mélodies accompagnées par le piano. Ou même de la musique de chambre ornée et mélancolique; car c’est le Vivant qui est au coeur de la poésie de Shelley. Pas le musée ni la doctrine esthétique, encore moins toute forme qui relèverait d’un quelconque académisme.
Comment ? Pour autant il s’agit toujours de paroles et de Voix, que l’on pourrait, avec ou sans jeu de mots, penser comme des Voies intérieures. Un monde poétique en conflit, plusieurs voix qui parlent et plusieurs voies qui s’ouvrent : le jazz-rock et sa légèreté, captation de l’instant ; la voix déclamée, celle du poème et du coryphée ; le timbre de la chanteuse lyrique, comme un clin d’oeil et d’oreille à Schubert, Schumann et les autres. Un dialogisme sonore qui fonctionnerait à la façon d’un monde où ce qui se dit – la voix parlée – fait écho à ce qui s’entend – la musique – et à ce qui se pense – l’indicible – …Comment choisir ensuite les instruments qui accompagneront ces paroles ? J’ai un temps pensé au piano, l’ami dévoué de tous les romantiques. Mais l’empreinte est trop forte, l’harmonie tellurique trop lourde. Un vibraphone sera bien plus pertinent et impertinent, aérien, posé entre deux mondes, accompagnateur polyphonique des mélodies lyriques ou jazz. Et immédiatement, je lui ai ajouté une batterie, des peaux, des cymbales… Car si l’univers d’aujourd’hui est sauvage, celui de Shelley l’était encore davantage.Enfin, et c’est une première pour moi, je souhaitais pouvoir convoquer des paysages sonores, ouvrir des brèches dans l’inconscient pour en saisir l’insaisissable. Avec toujours à l’esprit une notion d’instantanéité qui fait la grâce suspendue de Shelley. Autrement dit, ajouter une dimension Électronique, certes, mais sous une forme vivante. Un Performer. Un performer son qui sache ouvrir son esprit aux divagations de ces jeunes libertaires épris de poésie, d’amour et d’aventures que le 19ème siècle naissant avait su générer. Un chercheur d’espaces abyssaux qui pourra conjuguer ma musique et le son des astres, capté à travers les télescopes de la NASA. Quand on parle de la lune… («To the Moon», n° 4)
Raoul Lay, compositeur
Lundi 1er février à 11h00 au PIC – 16ème arr. (séance scolaire)
Mardi 2 février à 11h00 à l'Affranchi – 11ème arr. (séance scolaire)
Mardi 2 février à 20h00 à la Cité de la Musique - 1er arr.
Percussion et batterie Christian Bini
Comédienne Agnès Audiffren
Voix Lyrique Brigitte Peyré
Voix Jazz Marion Rampal
Platines I électronique Philippe Petit
Ingénieur du son Solange Baron
Direction artistique Raoul Lay